Contexte historique et origines

En France, jusqu’au début du 18e siècle, l’Académie royale de peinture et de sculpture fixait les règles du bon goût en ce qui concerne les techniques à utiliser et les thèmes possibles en matière d’art. C’est l’Académie des Beaux-Arts qui fut ensuite chargée de cette mission lors de la Restauration (retour de la souveraineté monarchique de la Maison de Bourbon).

La couleur ne constituait alors pas une priorité et le dessin en noir et blanc était privilégié pour des raisons de facilité pédagogique.  Avec le temps, certains membres de l’Académie se mirent à la couleur, ouvrant  ainsi la porte à un premier souffle de nouveauté.

Les tubes souples de peinture firent également leur apparition (à partir de 1841), offrant alors la possibilité de peindre en extérieur et de profiter de la lumière naturelle. Avant l’arrivée des tubes, les artistes broyaient eux-mêmes les pigments en poudre avec un liant et les utilisaient immédiatement. Différentes huiles étaient aussi utilisées, ayant chacune un effet jaunissant plus ou moins important. Puis les premières couleurs prêtes à l’emploi  arrivèrent, mais dans des récipients peu pratiques ou trop chers à la production. Certains historiens considèrent que l’invention des tubes refermables a favorisé l’essor de l’impressionnisme. Néanmoins, la première exposition impressionniste date de 1874.

La photo se développa et se modernisa, mais contrairement à ce que l’on pouvait craindre, elle ne brida pas la peinture, au contraire. Elle permit d’imaginer de nouveaux cadrages et de figer la réalité du moment. Ainsi, les futurs impressionnistes dépassèrent la simple représentation idéalisée de la réalité  des peintres académiques pour mettre en avant leur propre interprétation du monde par le biais de jeux de lumière et de couleurs vives. En plus de délaisser les techniques traditionnelles, ces artistes abandonnèrent aussi les thèmes recommandés (scènes religieuses et guerrières) par la grande autorité artistique, pour privilégier les paysages et les scènes de genre.

Ces artistes voulaient montrer que la vision que chaque individu a de son environnement dépend de ses sens. Un objet peut donc avoir différents aspects selon le climat, la saison, l’éclairage ou encore la position de l’observateur.

 

« Je peins ce que je vois et non ce qu’il plaît aux autres de voir »

Claude Monet

 

Cette orientation artistique  provoqua de vives réactions de la part des critiques ainsi qu’une véritable mise à l’écart de la part du Salon de Paris. Pour faire face à cette sorte de censure, ces artistes vont alors se rencontrer, échanger et s’unir afin de pouvoir s’exprimer dans leur art.

 

tableau de Claude Monet intitulé « La plage à Sainte-Adresse »
« La plage à Sainte-Adresse », Claude Monet, 1867

 

Un premier Salon

Malgré la solidarité entre ces artistes, les œuvres refusées au Salon étaient toujours aussi nombreuses et la colère gronda. Une véritable affaire d’État puisque ce conflit artistique remonta jusqu’à Napoléon III, l’empereur français. Ce dernier, pour tenter de satisfaire ces artistes rejetés sans pour autant désavouer l’art officiel,  créa le Salon des refusés en 1863.

Peine perdue, car cette décision fut largement contestée par l’Académie et les artistes officiels de l’époque. Les critiques s’en donnèrent encore à cœur joie mais la fréquentation fut  plus importante que pour le salon officiel, bien que les visiteurs se rendaient à ce salon des refusés principalement pour montrer leur désaccord avec ce mouvement artistique naissant. Les artistes présents bénéficièrent alors d’une grande visibilité.

 

Tableau de Édouard Manet « Le Déjeuner sur l'herbe »
« Le Déjeuner sur l’herbe », Édouard Manet, 1863

 

Mais certaines œuvres (dont celle ci-dessus) provoquèrent de telles polémiques que ce salon des refusés n’eut pas lieu les années suivantes et la censure perdura. Alors, certains de ces « refusés » décidèrent de créer la Société Anonyme des Artistes Peintres, Sculpteurs et Graveurs en 1874 afin d’organiser leur propre exposition. On retrouvait parmi les instigateurs de ce groupement, Monet, Cézanne ou encore Degas. Jusqu’en 1886, cette société permit d’assurer 8 expositions, mais les critiques restaient toujours aussi acides.

 

Tableau de  Claude Monet intitulé « Impression, soleil levant »
« Vue du Havre », renommé ensuite « Impression, soleil levant »
Claude Monet, (1872 ou 1874, date incertaine)

 

Bien malgré elle, c’est cette critique qui  joua un rôle dans la dénomination de ce mouvement artistique et ainsi le rendit éternel. En effet, lors de la première exposition de la Société anonyme en 1874, Monet proposa le tableau « Vue du Havre »; un nom qui ne sembla pas satisfaire Edmond Renoir (frère du peintre Auguste Renoir) qui était chargé de la rédaction du catalogue des œuvres exposées. Monet proposa alors « Impression » et Edmond Renoir rajouta la suite, « soleil levant ».

Considérant l’œuvre comme inachevée, comme une simple impression, loin de tout réalisme et ayant tenté un jeu de mots venimeux, le critique d’art Louis Leroy (travaillant pour le Charivari, premier journal satirique du monde) dit :

 

« Impression, j’en étais sûr. Je me disais aussi, puisque je suis impressionné, il doit y avoir de l’impression là-dedans… Et quelle liberté, quelle aisance dans la facture ! Le papier peint à l’état embryonnaire est encore plus fait que cette marine-là ! ». Louis Leroy, 25 avril 1874

 

Leroy nomma son article très critique « L’exposition des Impressionnistes » et marqua les esprits, mais pas forcément comme il l’aurait souhaité. Ainsi, “impressionnisme” allait donc devenir, pour la postérité, le nom de ce mouvement artistique tant décrié. Néanmoins, cette première exposition fut un échec comme allait l’être celle de 1876. Cela prit de l’ampleur à partir de 1877 et en 1879 avec presque 16 000 visiteurs.

 

Tableau de Édouard Manet intitulé « Argenteuil »
« Argenteuil », Édouard Manet, 1874

 

Un courant artistique mouvementé

Bousculé par la critique, ce groupe d’artistes le fut aussi par ses dissensions en interne.  Degas préférait par exemple se servir de sa fabuleuse mémoire visuelle pour peindre en atelier ce qu’il avait pu voir en extérieur. Cela allait à l’encontre du mouvement, auparavant nommé le plein-airisme. Certains n’aimaient pas être catalogués tandis que d’autres quittèrent ce mouvement (Renoir) ou refusèrent d’exposer au sein de la société qu’ils avaient créée (Manet). Quelques impressionnistes allaient  tenter à nouveau leur chance au sein du Salon (Cézanne).

Cet ensemble de disputes, de désaccords empêcha la bonne tenue d’une ultime exposition et en 1886, le groupe se sépara. On peut aussi rajouter que les œuvres s’y vendaient à des prix ridiculement bas et que, globalement, les critiques, marchands ou collectionneurs boudèrent  ces expositions impressionnistes.

 

Tableau de Camille Pissarro intitulé « Entrée du village de Voisins »
« Entrée du village de Voisins », Camille Pissarro, 1872

 

La reconnaissance, les impressionnistes la connurent notamment en dehors de l’hexagone. En effet, Paul Durand-Ruel, marchand d’art et entrepreneur exceptionnel, décida de promouvoir les artistes issus du mouvement impressionniste.  Ainsi, il établit un réseau de galeries à Londres, Bruxelles, New York, en y organisant de très nombreuses expositions. Le nom de ce marchand d’art est, encore aujourd’hui, indissociable de l’impressionnisme.

Il devint le principal soutien financier et moral des impressionnistes à travers le monde, n’hésitant pas à grandement s’endetter. Dans sa quête pour faire reconnaître l’art impressionniste, Paul Durand-Ruel subit, cela dit, des échecs importants (ruiné, il dut vendre sa propre collection avant de se relancer). Mais avec le réseau de contacts qu’il avait établi, le marchand d’art allait connaître un grand succès en 1886 lors d’une exposition à New York. Ce fut alors la première reconnaissance officielle des impressionnistes et ainsi, les œuvres allaient progressivement être appréciées, également en France et en Europe. Certains artistes finirent même par obtenir une certaine sécurité financière.

 

Portrait de Durand-Ruel par Renoir
Portrait de Durand-Ruel, Renoir, 1910

 

Durant les années 1890, les néo-impressionnistes allaient tenter de dépasser l’impressionnisme. Jusqu’en 1906, un ensemble de courants artistiques  divergèrent depuis l’impressionnisme, voire s’opposèrent à lui. On parle alors de Postimpressionnisme.  Le mouvement impressionniste n’aura duré qu’une quinzaine d’années (20 tout au plus), mais il aura révolutionné le marché de l’art, pour ne pas dire qu’il l’aura fait  éclater.  Avec ce courant, les œuvres sont maintenant traitées et vendues comme une marchandise. Cela ne fut pas sans choquer certains artistes comme Van Gogh par exemple. Pourtant, cette marchandisation peut sembler nécessaire pour la pérennité des artistes.

 

Tableau de Alfred Sisley intitulé « Vue du canal Saint-Martin »
« Vue du canal Saint-Martin », Alfred Sisley, 1870

 

Caractéristiques du courant et ses peintres

Les impressionnistes choisirent volontairement de ne pas mélanger les couleurs; ils optèrent plutôt pour leur  juxtaposition en des touches rapides, cohérentes avec la spontanéité de leur mouvement artistique et pour garder leur force.

Comme on l’a déjà évoqué, ils favorisèrent les paysages ou la vie quotidienne pour leurs sujets d’étude. La lumière et ses effets devinrent les éléments centraux de leurs créations et ils délaissèrent les teintes sombres. Les effets de matière étaient créés par des touches fluides ou empâtées et plus ou moins larges qui animent la toile.

Nous parlions aussi au début de l’influence de la photographie: Les artistes allaient ainsi s’adonner à des jeux de cadrage, avec des vues en plongée et en contre-plongée. Les estampes japonaises qui étaient présentes à l’Exposition universelle de 1855 et de 1867 eurent aussi une certaine influence sur l’art des impressionnistes.

Parmi les principaux noms du courant impressionniste, il faut citer Claude Monet, Camille Pissarro et Alfred Sisley (qui, lui, mourut dans la pauvreté). Ils furent  accompagnés par d’autres artistes évoluant dans cet univers comme Edgar Degas, Auguste Renoir, Paul Cézanne, Édouard Manet, etc, etc. Frédéric Bazille n’eut pas la chance de connaître les heures de gloire de l’impressionnisme. En effet, engagé volontaire et enthousiaste, il mourut pendant la guerre de 1870.

 

Tableau de Frédéric Bazille intitulé « Scène d'été »
« Scène d’été », Frédéric Bazille, 1869

 

Cela dit, l’appartenance au mouvement de tel ou tel artiste est encore discutée. C’est le cas de Cézanne ou de Degas par exemple.

Le genre de débat qui est entretenu par les écrits de Monet qui disait :

« Je suis navré d’avoir été la cause du nom donné à un groupe dont beaucoup n’avaient rien d’impressionniste ».

En réalité, il vaut peut-être mieux prendre chaque artiste individuellement pour tenter de comprendre son itinéraire. Par exemple, Renoir qui quitta le mouvement dans les années 1880  (car accepté au salon officiel), avant de le réintégrer plus tard. Ou encore Cézanne qui fut un des fondateurs de la Société Anonyme, mais qui n’exposa qu’assez peu.

Si ce mouvement eut une histoire assez brève, c’est aussi lié au fait que les artistes évoluent. C’était notamment le cas de ceux présents dès la naissance du mouvement. L’impressionnisme, c’est aussi l’histoire de multiples rencontres entre artistes ayant chacun sa propre sensibilité et pouvant, même si ce n’était que brièvement, appartenir à cet univers (Van Gogh).

 

Tableau de  Van Gogh intitulé « Fritillaires couronne impériale »
« Fritillaires couronne impériale », Van Gogh, 1887

 

Pour conclure, on peut dire qu’en matière d’art moderne, le mouvement impressionniste est considéré comme le plus fascinant et le plus apprécié du public. Le succès des expositions, le nombre important d’ouvrages traitant de ce courant et les tarifs auxquels se négocient les peintures témoignent de cette réussite.

 

Tableau de Auguste Renoir intitulé « Le déjeuner des canotiers »
« Le déjeuner des canotiers », Auguste Renoir, 1881

 

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