Prérequis pour dessiner des ombres
De nombreux internautes m’ont demandé quelle était la technique pour dessiner des ombres et comment les placer sur une forme ou sur un personnage.
Tout d’abord il est préférable d’avoir des connaissances minimales en perspective. Si vous êtes abonnés à mon blog, vous recevrez (ou avez déjà reçu) mon guide sur la perspective, ce qui vous donnera une bonne idée des bases qu’il faut appliquer pour vous en sortir, car ce n’est pas ce qu’il y a de plus simple en dessin.
Caractéristiques de la source de lumière
Sans m’attarder sur les aspects trop scolaires des lois qui s’appliquent à la lumière, je préfère vous parler de choses qui vont vous servir pratiquement pour dessiner des ombres.
Première chose qui peut vous paraître complètement bateau : il n’y a pas d’ombres sans lumière. Ca peut paraître complètement ridicule dit comme ça, mais ça ne l’est pas tant que ça…
Ceci dit, les ombres ne vont pas obligatoirement apparaître lorsqu’il y a de la lumière. Pour illustrer mon propos, imaginez- vous deux minutes dehors alors que le ciel est couvert. Observez les ombres au sol sur cette image:
Avez-vous remarqué quelque chose de spécial dans cette image?
Il n’y a aucune ombre aux pieds des personnages. C’est parce que le ciel éclaire la plage de toutes parts: la lumière naturelle est diffusée par la couche de nuages.
Voici, d’après l’illustration ci-dessus, ce que cela donne schématiquement. On remarque que nos sujets sont encerclés par la lumière, ce qui laisse peu de chance à l’ombre de se dessiner au sol.
Il faut considérer différents paramètres concernant la lumière. C’est cette dernière qui va influer directement sur la formation et l’intensité des ombres.
Taille de la source lumineuse
Pour dessiner des ombres, il faut prendre en compte la taille de la source lumineuse. Plus la source de lumière est grande par rapport à l’objet éclairé, plus l’ombre sera diffuse.
Prenons le cas du ciel.
Son dôme est tellement important en taille que nous ne pouvons plus distinguer les ombres portées des objets au sol comme sur l’image précédente. En 3D, nous appelons les ombres que provoque une lumière très diffuse “ombres d’occlusion” (dites aussi “ombres de contact”). Ces ombres sont spécialement diffuses (autant que la lumière qui les provoque) et ne sont visibles qu’à condition que les objets soient très proches les uns des autres.
Pour vous donner un exemple, observez comment les ombres deviennent diffuses sous les voitures un jour de mauvais temps. Plus la voiture est basse, c’est à dire proche du sol, et plus l’ombre sera marquée. À l’inverse, plus la voiture sera haute (comme pour les 4X4), et plus l’ombre sera diffuse (les limites de l’ombre portée seront de plus en plus difficiles à distinguer).
Cette voiture étant assez basse, l’ombre projetée au sol est donc relativement marquée, même un jour de mauvais temps. Mais elle demeure assez diffuse pour qu’on s’aperçoive qu’il y a probablement des nuages dans le ciel.
Directionnalité des sources de lumière
Il existe plusieurs types de sources lumineuses.
Il peut arriver que les rayons lumineux soient parallèles, comme dans le cas d’un laser, mais aussi comme dans le cas des sources de lumière très éloignées et très intenses (ex : soleil). On caractérise ces sources de lumière comme étant unidirectionnelles.
Toutes les autres sources sont dites omnidirectionnelles (comme la lumière d’une ampoule), c’est-à-dire que la lumière part dans toutes les directions et s’épuise rapidement. Cependant, on peut donner une certaine directionnalité à une source omnidirectionnelle. C’est d’ailleurs ce que font la plupart des photographes pour donner un effet de volume intéressant (dit “modelé” dans le langage photographique) sur les visages de leurs modèles.
Placement de l'objet éclairé par rapport à la source lumineuse
Pour dessiner des ombres crédibles et les places correctement, il convient aussi de prendre en compte le placement de l’objet et de la source lumineuse.
Plus la source de lumière est proche d’un objet (ce qui revient à agrandir sa taille par rapport à l’objet), et plus les ombres de ce dernier seront diffuses. Il n’y a pas que la proximité qui joue sur l’apparence des objets, mais aussi l’angle d’attaque de la lumière. Par exemple, une lumière rasante révélera beaucoup plus la texture et les détails à la surface des objets.
Regardez comme la lumière rasante de ces spots révèle la texture des briques. Cette technique est très employée en décoration d’intérieur, surtout lorsqu’il s’agit de mettre en valeur les murs d’origine (d’un château rénové par exemple).
Intensité de la source lumineuse
Dessiner des ombres, c’est aussi prendre en considération l’intensité de la lumière.
On appelle source lumineuse primaire, une source qui génère de la lumière par elle-même, comme par exemple le soleil ou une ampoule.
On appelle source lumineuse secondaire une source qui ne génère pas par elle-même de la lumière, mais qui est le reflet d’une autre source de lumière.
Enfin, on appelle source de lumière clef, toute source de lumière qui domine les autres soit par son intensité, soit par sa place prise sur la surface d’un objet.
Dans l’exemple de l’illustration ci-dessus, la lumière du soleil est la source primaire.
Le sol devient une source secondaire de lumière grâce au phénomène de réflexion. Observez comme la lumière réfléchit sur les murs et le plafond, qui deviennent à leur tour des sources secondaires.
Couleur de la source lumineuse
Dernière élément concernant la lumière devant être connu pour dessiner des ombres : la couleur.
La couleur de la lumière va jouer sur la couleur d’un objet de façon inévitable. Seule une lumière blanche peut révéler la véritable couleur d’un objet, et de ses ombres.
Caractéristiques des ombres
Pour dessiner des ombres, il est nécessaire de savoir les différencier. On parle ici de deux types d’ombres.
Les ombres de forme
Les ombres de formes sont celles que l’on trouve directement sur les objets.
C’est elles qui nous dessinent le modelé des objets. Sans elles, la représentation en trois dimensions ne serait pas ce qu’elle est. On peut décomposer cette ombre en plusieurs parties comme sur le schéma suivant .
Notez que le terminator est la partie entre ombre et lumière qui est particulièrement visible lorsqu’une source de lumière vient « déboucher » un peu l’ombre de forme. S’il existait une seule source de lumière et que la lumière ne « rebondissait » à aucun moment sur une surface (comme le sol), nous ne verrions pas ce terminator et l’ombre de forme serait complètement noire derrière l’objet.
Dans l’exemple ci-dessus, la lumière se réfléchit au sol et éclaire l’objet d’en dessous. C’est ainsi que nait le terminator.
Les ombres portées
Les ombres portées d’un objet sont toutes les ombres qui sont issues d’un objet, mais et qui sont projetées sur une surface. D’ailleurs, elles portent aussi le nom d’« ombres projetées ».
Ombres et valeurs
Quand on veut dessiner des ombres, il faut travailler le rendu de celles-ci. Et lorsqu’on le fait au crayon de papier, on se rend vite compte qu’il existe d’autres paramètres que les ombres de formes et les ombres projetées.
Pour rendre tous les niveaux de gris (ou valeur) d’un dessin, il faut prendre en compte également les couleurs d’un objet (et particulièrement sa valeur). Mais ce n’est pas tout. D’autres éléments sont à prendre en considération.
La réflectivité d'un objet
Selon la matière d’un objet, la lumière pourra agir différemment. Chaque matériau a son propre indice de réflexion. Il existe deux types de réflexion : les réflexions diffuses et les réflexions directes.
- les réflexions directes (ou anisotropiques) dépendent de la position de l’oeil par rapport à l’objet. Elles bougent avec l’oeil, et varient de position et de formes selon que l’on se déplace par rapport à l’objet ou pas. Le miroir en est un bon exemple, et toute surface très réflective, comme un objet mouillé, du métal, certains plastiques, etc… Ce phénomène s’explique donc par la propriété de certains matériaux.
- les réflexions diffuses ne dépendent pas de la position de l’œil par rapport à l’objet, au même titre que les ombres portées. Voici un schéma qui résume bien comment la lumière réagit sur une surface qui diffuse la lumière.
Notez que ce phénomène est dû au fait que certaines surfaces semblent être planes. Alors qu’à l’échelle microscopique c’est loin d’être le cas. Les rayons de lumière sont réfléchis dans toutes les directions, mais de façon homogène. Assez pour que l’œil ne puisse pas voir la différence lorsque l’on change de point de vue.
La nature de la surface
Ce point rejoint le précédent. Dans le sens où un objet peut se comporter différemment par exemple en étant trempé dans l’eau. Il peut aussi être enduit de miel, de gélatine, de métal liquide, etc… Il prendra alors certaines propriétés de réflexion de la matière dont il est recouvert.
Voici la réflexion flagrante que peut engendrer le sébum ou la transpiration sur la peau humaine
La phosphorescence
il est possible à certains objets de s’auto-illuminer. Cela va altérer la perception des valeurs que l’on a de ces derniers.
Cette méduse est phosphorescente. Elle constitue une source de lumière primaire grâce aux priorités des cellules qui la constituent.
La transparence de l’objet
Certains objets peuvent être transparents, et peuvent donc faire apparaître les couleurs d’autres objets directement à travers eux. Il arrive aussi que par réfraction, un objet puisse rediriger l’image un autre objet qui n’est pas directement derrière lui (comme dans le cas d’un verre ou d’un liquide).
Les cavités
Certains trous ou cavités seront très sombres. La lumière ne passe plus ou s’épuise à l’entrée de cette cavité. La lumière aura rebondi plusieurs fois d’un côté et de l’autre de la cavité avant de s’épuiser. Apparaît seulement une ombre de forme très sombre. On appelle cela le phénomène d’occlusion (comme expliqué un peu plus tôt dans l’article). Encore une fois, l’occlusion dépend de la proximité des objets entre eux, mais aussi de la taille de la source lumineuse par rapport aux objets.
La technique du « test sur sphère » pour dessiner des ombres de formes
Passons maintenant à la pratique. La première technique que je vais vous enseigner est celle que j’appelle le test sphère. Comme son nom l’indique, avant de rendre notre dessin, on peut s’entraîner à dessiner des ombres de formes sur une sphère simple. Imaginez qu’une sphère soit constituée d’une infinité de petits plans à sa surface.
Grossièrement, on peut schématiser une sphère avec des facettes plus ou moins importantes. Puis on peut attribuer des valeurs à l’ombre de forme. Chaque facette de la sphère n’est pas tournée de la même façon par rapport à la lumière (je parle d’une source de lumière unique). Plus une facette est perpendiculaire au rayon de lumière, et plus elle sera claire. À l’inverse, plus une facette est parallèle ou «cachée » par rapport au rayon de lumière, plus l’ombre de forme sera foncée.
Ici, 10 correspond à la valeur la plus claire. Et inversement, le 0 désigne la valeur la plus sombre.
Comme on peut le voir sur l’illustration ci-dessus, l’orientation d’une facette joue sur la valeur.
En effet, plus une facette est tournée vers la lumière, plus elle est claire. On peut appliquer ce principe à n’importe quel objet ou être vivant.
Donc voici l’ordre dans lequel procéder:
- Je dessine mon “test sur sphère” rapide avec une direction de lumière que j’ai choisi au préalable. Vous pouvez dessiner les limites de chaque bandelette de valeur (sans trop appuyer) comme sur le schéma ci-dessus. Cela aide beaucoup, c’est ce que je fais la plupart du temps.
- Je dessine mon sujet sans ses ombres. Je peux m’aider en dessinant les limites des ombres sur mon sujet pour rendre les différentes valeurs.
- Je reporte les valeurs de la sphère sur mon sujet en essayant de deviner l’orientation des facettes par rapport à la lumière.
La technique du filet de valeurs pour rendre les ombres de formes des objets complexes
Avez-vous visionné un making-of de films d’animation ou de jeux vidéos ? Les modèles 3D à l’état brut sont constitués d’un maillage (ou « filet ») que l’on ne distingue pas sur le produit final, mais que les modeleurs 3D utilisent pour optimiser la structure d’un objet ou d’un personnage (à des fins d’animation en général).
Pourquoi je vous parle de ça ?
On peut se servir de ce maillage pour représenter n’importe quel objet, car chaque facette représentée prend une valeur différente selon sa direction par rapport à la lumière, exactement comme pour le test sphère. En dessinant le filet et vos facettes, vous remarquerez que plus une surface s’arrondit rapidement, et plus le filet se resserre et les facettes deviennent petites.
Comme pour la sphère, imaginez un filet de valeurs sur votre sujet et dessinez en les limites. Enfin, imaginez comment les facettes sont tournées par rapport à la lumière.
Reportez-vous sur votre “test sur sphère” de référence pour dessiner les ombres.
La technique de projection pour représenter les ombres portées
Il s’agit d’une technique avancée.
Je n’en parlerai pas aujourd’hui, car il s’agit d’un point un peu trop technique pour notre avancement dans les articles. Prenez connaissance de mon guide sur la perspective. J’en reparlerai plus tard lorsque vous aurez assimilé les connaissances de base.
Dessiner des ombres : conclusion
J’espère que cet article vous éclaire (huhuhu jeu de mot… ;p ) un peu plus sur le rendu des volumes en dessin. Vous en savez un peu plus sur le fait de dessiner des ombres. Mais ce n’est pas terminé.
Dans la deuxième partie, je vous montrerai comment rendre les formes simples au crayon, étape par étape. Je vous monterai aussi commnet appliquer ces principes sur un objet plus complexe.
À vos crayons!
-Pit