Je reçois souvent des messages de parents attentionnés me demandant comment faire évoluer l’intérêt de leurs enfants pour le dessin, et comment les faire progresser plus rapidement.

En général j’entends: ”Mon fils/ma fille est un/une artiste doué(e). Est-ce que vos cours sont adaptés à ses besoins ?

Tout d’abord, je considère que les articles du blog et les formations que je mets à disposition sont adaptés à partir de 11 ans (jusqu’à 99 ans).
Pour les enfants de moins de 11 ans, mieux vaut réfléchir à deux fois par contre

 

Prendre de l’avance sur les autres?

Peu importe comment vos enfants sont investis dans la pratique du dessin et peu importe à quel point ils sont doués aujourd’hui, le mieux est de les laisser développer naturellement leur potentiel, sans vouloir trop les pousser dès leur jeune âge.

Résistez à la tentation de juger les illustrations de vos enfants. Les parents souhaitent aider leurs enfants, ce qui est une bonne chose, mais pour aider les esprits créatifs, il faut savoir dépasser les méthodes conventionnelles et socialement acceptables.

Le jeune esprit créatif ne progresse pas de la même manière si le système d’apprentissage derrière  lui s’avère trop pesant.

Dans les méthodes éducatives actuelles, on veut absolument mesurer les progrès de l’apprentissage, ce qui, pour certaines disciplines peut s’avérer relativement pertinent, mais pour les jeunes esprits créatifs, ce genre de pédagogie peut vite devenir un sacré fardeau.

La quantification du niveau permet l’accès à des bourses d’études, aux grandes écoles, à de grandes carrières et cela affecte massivement l’avenir de nos enfants. Avez-vous remarqué que je parle de marqueurs de connaissances et non d’intelligence?

La connaissance est l’information en elle-même, qui pénètre l’esprit à la suite de l’apprentissage. La connaissance est alors facilement mesurable, donc facile à gérer, et permet de distinguer les enfants “intelligents” des enfants “bêtes”.

Mais l’intelligence c’est tellement plus…
C’est l’enfant à part entière, avec ses dons, ses talents, ses lacunes et ses connaissances… et tous ces éléments authentiques produisent alors un résultat unique.

La connaissance seule n’engendre pas la créativité. C’est comment l’enfant va utiliser cette connaissance qui importe. L’intelligence réelle d’un enfant dans son ensemble n’est pas mesurable, pas plus que son esprit créatif.Il n’y a pas de tests à ce jour, ni d’outils ou de logiciels capables de mesurer l’intelligence réelle et en particulier l’intelligence créative.

Et l’idée même de vouloir mesurer l’intelligence créative paraît contre-productive par nature.

Mais en tant que parent, vous pouvez encourager naturellement et brillamment le développement de l’intelligence créative de vos enfants.

Les parents doivent comprendre d’abord pourquoi leur enfant dessine et ensuite ce que la pratique du dessin veut réellement dire.

Le dessin est avant tout un moyen d’imaginer et de rêver, il n’a aucune limite, et ne devrait jamais être contraint par quoi que ce soit.

 

Croire que l’on donne le meilleur à son enfant

Chers parents, malgré tout mon respect, je dois vous dire que vous n’êtes pas de bons critiques d’art pour les productions de votre enfant (et moi non plus d’ailleurs!).

Je comprends que vous puissiez être émerveillés devant ses aptitudes et ses capacités (capacités que vous n’aviez peut-être pas à leur âge), mais s’il vous plaît, n’y allez pas de front et n’en faites pas trop.

Nous voyons les enfants dessiner et jugeons leurs œuvres avec notre regard d’adulte. Mais cette attitude est très réductrice.

Pendant l’enfance, il importe peu que le dessin soit “bon”. Ce n’est pas sur cela que l’on devrait se concentrer.

A moins d’être un artiste accompli vous-même (et encore), vous ne devriez pas pouvoir critiquer la couleur, le design, le contenu ou un quelconque concept de manière constructive. Et même si c’était le cas, ce n’est peut-être pas le moment opportun, car le potentiel créatif d’un enfant apparaîtra au plus jeune âge, et si un quelconque obstacle se met en travers de sa route, l’élan créatif se verra freiné voire rompu.

La majorité des adultes ont stoppé le dessin à l’école primaire. Par conséquent, leur capacité à critiquer le dessin relève du niveau école primaire.

Tous les enfants ont un développement mental rapide. Dans ce qu’un adulte pourrait percevoir comme un simple gribouillage, l’enfant de son côté, avec son imagination débordante, y verra sans doute tout un univers. Que des normes techniques viennent l’influencer à ce stade, n’est peut être pas la meilleure des choses.

 

Enfant énervé tordant un crayon à dessin

 

Dans l’esprit des enfants, le choix d’un grand nombre de décisions artistiques est un choix émotionnel.

Tous ses choix ne sont pas logiques. Ne tentez pas de comprendre de façon logique pourquoi votre enfant a dessiné un trait rouge devant un trait vert. Il peut y avoir une influence logique comme du marron pour le sol, du bleu pour le ciel et plus l’enfant est âgé, plus les décisions logiques vont influencer son art. Mais les décisions émotionnelles sont bien plus importantes.

Demandez aux enfants pourquoi ils dessinent. Ils vont vous répondre simplement: “Parce que j’aime ça”. Peu importe si un parent veut pousser l’enfant vers l’excellence, mieux vaut ne pas détruire le plaisir à la source.

L’esprit d’un enfant est tellement rempli de merveilles, de mondes imaginaires que le dessin leur donne l’illusion de créer la vie.

Ils dessinent ce qu’ils projettent dans leur esprit. Quand ils pensent à une nouvelle chose, ils la dessinent et elle prend vie.

Il n’y a rien de plus merveilleux que de donner la vie, spécialement lorsque cela vient de notre esprit.

Une formation traditionnelle arrivant trop tôt peut détruire le plaisir du dessin…

Je bous intérieurement en pensant à tous ces enfants potentiellement brillants et qui perdent leur passion initiale pour le dessin, celle-ci étant remplacée par des “compétences en arts plastiques”, bien loin du concept de liberté créative et d’imagination.

Quand l’amour pour le dessin est tué ou abîmé trop tôt par la technique, peu importe comment l’artiste a obtenu ses compétences, le talent finira par l’abandonner car son envie de dessiner aura disparu, purement et simplement.

 

Les progrès techniques?

La technologie ne fait pas avancer l’enfant artistiquement.
Cela est un des plus grands malentendus du monde artistique. En fait, la technologie, si elle est introduite trop tôt, peut tuer l’intérêt de l’enfant pour l’art. Les logiciels introduisent la notion de conception sans effort.

Le concept de plaisir artistique est un équilibre entre la perception de la contrainte au moment de créer et le plaisir de voir le résultat fini.

Il n’existe pas de “miel sans le vinaigre” comme diraient certains. Ce qui signifie que si on arrive trop facilement aux résultats escomptés, le plaisir disparaît.
Notre nature humaine est faite de telle sorte que l’on ressent le besoin de mériter les choses.

Si on sait que la majorité des gens peuvent arriver aux mêmes résultats que nous en utilisant les mêmes outils, cela ne nous donnera pas envie de continuer.

Ce qui est certain, c’est que les enfants trop gâtés ne font pas les meilleurs artistes. Ils ne sont d’ailleurs pas très heureux car on les a privés de toute notion de plaisir et d’enthousiasme depuis leur plus jeune âge, en les bridant dans un système.

Quand la personne qui dessine utilise l’informatique sans auparavant avoir fait ce travail mental d’apprentissage libre et traditionnel (avec papier et crayon), elle en retire des solutions pré-faites et pense alors que c’est le résultat  parfait. L’artiste ne peut se sentir satisfait s’il ne s’investit pas un minimum.

Plongés trop tôt dans la technologie, certains sont devenus dépendants de solutions prédéfinies et n’ont pas développé leur processus de création.

Ce qui est en fait des addicts de la technologie, dépourvus de liberté créative: les futurs “techniciens de l’image” comme je les appelle.

Honnêtement, un simple crayon suffit pour commencer. Et je donne ce conseil à tous les débutants, adultes inclus.

 

L’art déviant?

“Je suis inquiet car mon enfant dessine beaucoup d’images sombres, avec du sang, des démons et j’en passe.”

En excès, on peut s’inquiéter…

Cependant, pour la plupart des enfants, il s’agit juste d’explorer les sensations que peut leur apporter l’art du dessin, qui est un des plus beaux moyens de s’exprimer et de se sentir libre et différent.

Bien souvent, cette pratique est le résultat de l’émerveillement et de l’admiration. Car il est merveilleux de créer une chose qui n’existe que dans votre esprit.

Donc la période des démons et dessin gore vont sans doute passer. Veillez  à ne pas prématurément stopper leur intérêt naturel, du haut de vos jugements d’adulte.

Pour ma part, j’ai tellement dessiné de sang qui giclait dans tous les sens à mes débuts, que je pense que c’est tout à fait normal (ne me considérant pas moi-même comme complètement déséquilibré, huhu ^^’)

La souffrance, la mort et les super-pouvoirs sont des centres d’intérêt naturels pour un enfant. Pour autant, l’enfant ne devra pas être considéré comme un déséquilibré. S’il dessine ce genre de choses, c’est qu’il les a vues quelque part, et qu’il a envie de les recréer à sa sauce.

C’est de l’inspiration provenant de sujets extraordinaires. Rien de plus.

Evidemment, il peut exister des cas rares où les pédopsychiatres pourront y voir des éléments glauques de la vie d’un enfant.

Ce qui serait encore plus glauque, c’est que l’enfant ne puisse pas s’exprimer par ses dessins. ;)

 

Conclusion

Si votre enfant a moins de 11 ans, apprenez-lui avant tout à aimer ce qu’il fait naturellement.

N’essayez pas de lui apprendre à dessiner. Ne tentez pas de le faire progresser plus vite que son esprit ne peut l’accepter.

Ne le poussez pas à devenir un petit génie.

La seule motivation réelle pour tous les enfants, et qui est constante, c’est de pouvoir connaître ce bonheur de donner vie sur le papier à ce qui vit déjà dans leurs têtes.

 

trucs et astuces sur les techniques de dessin

 

En résumé, voici mes conseils aux parents :

  1. Dites à votre enfant à quel point vous êtes content de le voir dessiner.
  2. Montrez-lui que cela vous fait plaisir d’admirer ses créations.
  3. Encouragez-le à dessiner ce qui l’intéresse.
  4. Plus que tout, enseignez-lui l’amour du dessin. Ne parlez pas de performance. Cela va provoquer chez lui de l’anxiété et le pousser à s’emprisonner dans une norme artistique. Au final, vous n’obtiendrez de lui que peur et désintérêt à long terme, et plus tard il pourra même vous le reprocher et vous détester pour ça.

 

Gardez en tête que vous êtes “Dieu sur terre” pour votre enfant. Il aura envie de vous faire plaisir, mais dès qu’il sera adolescent, les choses vont énormément se compliquer. Si vous ne le laissez pas faire naturellement ce vers quoi il est attiré, ou ce à quoi il a été sensibilisé, vous risquez de le conditionner à rester dans des rangs qui ne lui appartiennent pas, et dans lesquels il ne se sent pas bien.

Si cette passion du dessin est solidement ancrée en eux, alors rien n’arrêtera les enfants. Ils vont évoluer rapidement car ils n’en auront jamais assez de pratiquer et de progresser.

Ils vont développer leur savoir au-delà de ce qu’ils pourraient apprendre en cours, car alors chaque réalisation sera le fruit d’un travail passionné, une joie personnelle et non pas un statut social. Ils en feront peut-être même une carrière et leur passion va élargir leur capacité créative. Ils vont continuellement chercher cet émerveillement dans leur travail et non pas un salaire ou une tape dans le dos en guise de remerciement.

En fin de compte, ils seront beaucoup plus heureux dans leur vie.

Et vous, en tant que parents, vous aurez contribué à rendre non seulement votre enfant heureux, mais vous aurez aussi contribué à rendre la société meilleure. Soyez-en sûr!

Note: Gardez en tête que je suis moi-même un enfant ayant été considéré comme précoce.

Ma mère, qui s’en mord un peu les doigts aujourd’hui (je t’aime quand même maman! <3 ) m’avait donc fait sauter une classe à l’époque de la primaire, alors que j’étais déjà de la fin de l’année. J’ai donc passé mon collège avec des adolescents ayant parfois deux ou trois ans de plus que moi, ce qui était un véritable calvaire car je n’étais pas du tout en phase avec mon environnement social et cela a contribué à ma marginalité et au fait que je ne me suis jamais senti faire partie d’un groupe.

Bon, 30 ans après j’en plaisante un peu, mais trop pousser un enfant avec des prédispositions, n’est pas forcément la meilleure chose à faire. Vous pouvez l’encourager sans problème, lui montrer ce qui existe, lui faire tester un maximum d’activités, mais ne choisissez pas sa voie à sa place.

Merci du fond du cœur de m’avoir lu jusqu’au bout et de considérer mon propos.

Artistiquement,
-Pit 

 

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