Portrait de Salvador Dali
11 mai 1904 – 23 janvier 1989

 

Un double Salvador

Salvador Dalí naquit en 1904 dans le nord de la Catalogne, à Figueras; une région qui  allait marquer sa vie d’homme comme sa vie d’artiste. Il apprit très jeune, qu’il n’était pas en réalité le premier enfant de ses parents. Quelques mois avant sa naissance, son frère aîné, alors âgé de 21 mois, était décédé des suites d’une grave gastro-entérite. Ses parents ne se remirent jamais de cette perte et eurent envers leur deuxième enfant un amour surprotecteur. Salvador allait alors développer  un caractère égoïste et instable.

Mais ce qui forgea très tôt son caractère, c’est ce qu’il découvrit lorsque ses parents lui montrèrent la tombe de son frère aîné, un véritable choc pour l’enfant: Les deux frères portaient le même prénom et sa mère lui affirma qu’il était la réincarnation de son frère décédé. Une situation d’autant plus étrange que la mère de Salvador lui confia que son frère aîné était un authentique génie. Dès lors, Salvador n’eut de cesse de prouver sa valeur et de démontrer qu’il n’était pas « le frère mort, mais le vivant ».

Le père de famille, Salvador Dalí y Cusi, était de nature autoritaire, mais la mère du futur artiste, Felipa Domènech Ferrés y Born, compensait cela et arrondissait les angles de la relation  père- fils. En effet, de son fils Salvador Dalí, elle tolérait beaucoup de choses comme son caractère colérique et se rangeait de son côté lorsqu’il fallait défendre ses rêves artistiques auprès du chef de famille.

En 1908, la famille s’agrandit avec l’arrivée d’Anna Maria, unique sœur de Salvador. Ce dernier intégra, en 1910, l’école Inmaculada Concepción de Figueres où il apprit le français et peignit ses premiers tableaux. Et alors qu’il avait seulement 10 ans, son talent était déjà remarqué pour sa peinture de paysages à l’huile ou de scènes de genre.

Mais le premier cap important dans la vie d’artiste de Dalí fut franchi deux ans plus tard, en 1916 quand il rencontra Ramon Pichot, un peintre ami de la famille qui lui fit découvrir l’impressionnisme espagnol. Captivé par cette peinture révolutionnaire et anti-académique, Dalí se proclama lui aussi impressionniste.

Bien que son père ne fût pas vraiment d’accord avec son fils pour la carrière qui semblait se « dessiner », il l’envoya tout de même suivre des cours de peinture et alla jusqu’à organiser une exposition  des dessins du jeune Salvador dans la maison familiale. Et lors d’une exposition à Figueras, ses œuvres finirent même par être remarquées par les critiques artistiques.

En 1920, son père voulut bien le laisser devenir peintre, mais à condition de partir étudier aux Beaux-Arts de Madrid afin d’y obtenir un diplôme d’enseignant. C’était visiblement la seule solution trouvée par le père de Salvador pour éviter l’échec scolaire à son fils et pour concilier sa passion avec une formation scolaire.

Malheureusement, moins d’un an plus tard, la mère de Salvador décéda. Ce fut un traumatisme important pour l’adolescent, car cette femme semblait comprendre les problèmes de Salvador et savait le canaliser, en partie du moins. L’année suivante en 1922, son père épousa Catalina Domènech Ferrés, sœur de la femme qu’il venait d’enterrer. Cette nouvelle union ne fut pas du goût de Salvador qui n’allait jamais l’accepter.

Néanmoins, cette même année, il obtint son baccalauréat et partit pour les Beaux-Arts de Madrid, mais ses ennuis n’étaient pas finis pour autant. Ex enfant roi, Salvador devint un jeune homme pour le moins protestataire, en opposition sur tout, avec tout le monde, quasi anarchiste; un comportement qui allait lui valoir de se faire exclure deux fois de l’école ainsi que d’écoper de deux mois de prison (accusé à tort d’être le meneur d’un groupe d’agitateurs). Ce qui ne l’empêcha pas de participer à ses premières expositions en tant qu’artiste.

Parallèlement à ces péripéties, c’est aussi la période durant laquelle Salvatore explora l’art moderne. Il se pencha sur le futurisme, le cubisme et développa une fascination pour Picasso entre autres. Mais comme souvent, il se lassa vite et s‘intéressa à l’exploration des sciences intérieures, le dadaïsme. Cela allait l’influencer pendant le reste de sa vie.

 

Départ pour la France

Vers 1926, Dalí commença à trouver son style et peu de temps après, il prit la direction de Paris en compagnie de sa sœur et de sa tante; un voyage riche d’expériences, car il y rencontra Picasso et profita de la richesse culturelle de la ville.

De ce qu’on sait concernant son entrevue avec Picasso, ce dernier avait déjà reçu des commentaires élogieux sur Dalí bien que celui-ci fût encore inconnu ou presque. Pour une fois, Dalí sembla se contenir et en profita pour lui montrer certaines de ses œuvres; une rencontre plutôt silencieuse et contemplative.

L’École des Beaux-Arts de Madrid décida d’expulser définitivement Dalí qu’elle jugeait ingérable et incompétent. Mais Dalí ne se laissa pas abattre et multiplia les expositions à son retour de France. Il démontra un penchant pour le surréalisme et continua d’affiner son style petit à petit jusqu’à la fin des années 20.

En 1929, il effectua un deuxième voyage à Paris et sur les conseils de son ami Joan Miró, il y rencontra le groupe des surréalistes, mené par André Breton.  C’est sûrement cet ami qui réussit à convaincre Dalí d’adhérer au surréalisme. Parmi ce groupe de surréalistes figurent Paul Eluard, Max Ernst et Elena Ivanovna Diakonova surnommée “Gala”. Cette dernière était mariée avec Paul Eluard tout en étant ouvertement la maîtresse de Max Ernst. Entre Gala et Dalí, ce fut le coup de foudre. Elle allait le guérir de ses crises de nerfs, devenir son unique modèle féminin et le principal sujet d’inspiration du peintre. Sans cesse, il fit tout pour la magnifier au point de vouloir en faire un mythe vivant.

 

Quelques créations de Dalí, ayant comme source d’inspiration Gala

Métamorphose paranoïaque du visage de Gala 1932
“Métamorphose paranoïaque du visage de Gala”, 1932

 

Banlieue de la ville paranoïaque-critique, 1936
“Banlieue de la ville paranoïaque-critique”, 1936

 

Léda atomica, 1949
“Léda atomica”, 1949

 

Galatée aux sphères, 1952
“Galatée aux sphères”, 1952

 

Corpus hypercubus, 1954
“Corpus hypercubus”, 1954

 

Concile œcuménique, 1960
“Concile œcuménique”, 1960

 

De son côté, Gala se chargea des affaires de son futur mari (ils s’épousèrent civilement en 1934) et de les faire fructifier. Dalí était bien conscient de l’importance de Gala dans sa vie. Il allait tout faire pour la rendre heureuse, prêt à se négliger pour faire passer d’abord le bien-être de Gala.

La presse espagnole apporta visiblement de l’importance à Salvador puisqu’elle publia plusieurs de ses articles dans lesquels il donnait ses impressions sur la ville de Paris.

Mais le fait que Dalí entretînt une relation avec une femme déjà mariée passait très mal auprès de son père et de sa sœur. Ils en vinrent à se brouiller profondément, d’autant plus que la presse espagnole s’en mêla. En effet, selon un journal barcelonais, Dalí aurait montré à ses amis surréalistes une représentation du Sacré-Cœur sur laquelle il était écrit: « Je crache avec plaisir sur le portrait de ma mère ».

Dalí se retrouva alors à la rue et reprit la direction de Paris avec Gala. De 1930 à 1932, ils vécurent modestement, ne faisant presque pas de vente. Mais fin 1933, un marchand d’art exposa plus de 20 créations de Dalí à New York. Dalí, qui rêvait de visiter cette ville, put enfin s’y rendre grâce à Picasso qui finança le voyage. Ce pèlerinage fut un succès pour Dalí, les Américains étant éblouis par son travail et sa personnalité excentrique. Les critiques favorables pleuvaient et Dalí, dans un délire de mégalomanie, se présenta comme LA référence du surréalisme. Il oubliait de dire (volontairement ou pas) que le surréalisme était presque inconnu aux États-Unis et donc, que les points de comparaison étaient  limités. Mais il comprit vite que sa réussite artistique devrait passer par ce pays. Le succès commença et pendant un an (entre 1935 et 1936), le poète Edward James allait devenir son mécène.

 

Dali et la guerre

En 1936, alors que le couple était de retour en Espagne, la guerre civile éclata. Tous les deux voyageaient à travers l’Europe, mais Salvador resta productif. Dans les œuvres de cette période, il représente sa vision de la guerre et non pas son opinion politique. La guerre civile est alors traduite comme une catastrophe naturelle et non pas comme un évènement politico-militaire.

Quand Salvador effectua son deuxième voyage dans le « Nouveau Monde », il put constater que les Américains l’appréciaient toujours autant. Devenu une personnalité publique, il fit la une du TIME et rencontra les comédiens « Marx Brothers ».

Il rentra en Europe et put rencontrer une autre personnalité pour laquelle il avait beaucoup d’admiration: Sigmund Freud. C’est son mécène, le poète Edward James, qui permit cette rencontre avec le fondateur de la psychanalyse, Freud, qui allait d’ailleurs être marqué par la personnalité atypique de Dalí.

Notre artiste continua son « Road Trip » et finit dans les  Alpes-Maritimes. Il séjourna plusieurs mois dans la villa de la couturière Gabrielle Chanel (Coco Chanel) tout en préparant sa future exposition new-yorkaise.

Mais la deuxième guerre mondiale éclata et Salvador quitta la France avec sa femme, direction l’Espagne puis le Portugal. Ensuite le couple embarqua pour New York où il allait  rester environ 8 ans.

Comme un poisson dans l’eau,  Dalí fréquenta le gratin new-yorkais et vit ses œuvres parcourir les États-Unis, ce qui lui permit de réaliser suffisamment de ventes pour assurer ses vieux jours. Mais d’autres portes s’ouvrirent à lui: pour l’édition, il réalisa des illustrations et pour le cinéma, il assura la création de décors.

 

“Il y a des jours où je pense que je vais mourir d’une overdose d’autosatisfaction.”

 

Une hyperactivité qui ne plaisait pas à tous. André Breton n’aimait pas la course à l’argent de son ancien ami, tandis que d’autres lui reprochaient de mélanger création et consommation (une attitude que Van Gogh, par exemple,  aurait certainement détestée).

 

 “Je peux vous prouver que je suis susceptible d’accepter cinquante mille dollars tout de suite, sans broncher.”

 

Quand il rentra en Europe, en 1949, Dalí avait alors délaissé le surréalisme pour le classicisme et partageait son temps entre Paris et la Catalogne. Il se montrait particulièrement intéressé par les progrès techniques liés au nucléaire; un intérêt que l’on retrouve dans ses œuvres de l’époque. Puis,  l’élément religieux allait faire irruption dans l’œuvre de l’artiste. Il fut même reçu par le Pape Pie XII.

Le début des années 50 fut marqué tout d’abord par le décès de son père avec qui il avait entretenu une relation conflictuelle continue.  Toujours durant la même période et alors qu’il avait toujours été terrifié par la mort, il mélangea physique et religion. Dans le “Manifeste Mystique”, Dalí fait la synthèse entre mystique nucléaire et classicisme. Il souhaitait représenter son époque avec les techniques des anciens grands maîtres.

Conférences, articles de presse, expositions, créations…. Cette décennie fut une nouvelle fois productive pour cet artiste très actif :

  • Il rédigea  des articles pour des revues françaises en 1952,
  • À Santa Barbara, il fut présent pour l’exposition de la Fiesta,
  • En 1954, il illustra la « Divine comédie » de Dante par ses dessins au Palais Pallavicini de Rome,
  • Pour la promotion du film « Richard III », il réalisa, en  1955, le portrait de l’acteur anglais Laurence Olivier qui joue le rôle de Richard III.
  • Mariage religieux avec Gala
  • Rencontre avec le Pape Jean XXIII
  • Etc etc…

 

Vers la fin de cette décennie, Dalí s’intéressa aux images en 3 dimensions. Il travaillait alors sur des œuvres en relief  et réalisait des images doubles: une fois observées simultanément, elles deviennent une seule et unique image avec une profondeur, grâce aux lois de l’optique.

Une carrière bien remplie qui permit au couple d’avoir une vie luxueuse. Et pour assurer de ce train de vie, il embaucha un gestionnaire. Mais malheureusement, Dalí et Gala s’éloignaient l’un de l’autre. L’artiste finit par rencontrer celle qui allait être sa nouvelle muse pendant une partie des années 60: Amanda Lear.

Une relation qui n’aurait été qu’une parenthèse pour certains, ou l’ histoire  d’un ménage à 3 qui aurait duré pendant 15 ans pour d’autres. Mais malgré les disputes, les coups d’éclat, l’éloignement et les infidélités, Dalí et Gala allaient s’aimer jusqu’au bout.

Toujours plus prolifique, Dalí écrivit, illustra des livres, conçut des décors pour des opéras ainsi que des costumes. Il travaillait également dans l’univers du cinéma, sculptait et créait des bijoux ou des meubles. Sa soif de création était sans limite tout comme son besoin de mélanger les techniques artistiques.

Dalí allait finir deux œuvres majeures: La « Pêche au thon » (1966-1967) qui est le résultat de plusieurs décennies d’expériences picturales: Pointillisme, surréalisme, art psychédélique… etc… et sa deuxième œuvre majeure de l’époque le « Torero hallucinogène »  (1968-1970) qui propose illusion d’optique et imagerie dalinienne, la mouche, Gala, la vénus, le thème de la mort … etc.

Durant le début des années 70, Dalí finalisa un projet vieux de 10 ans et pour lequel il avait dépensé beaucoup d’énergie: la création d’un musée dans sa ville natale; ouvert en 1974, ce musée fut établi au sein de l’ancien théâtre de Figueras. Allaient suivre des rétrospectives à Paris et à Londres jusqu’à la fin des années 70.

Comme à son habitude, Dalí menait plusieurs projets en parallèle et il explorait les nouvelles technologies modernes de l’image en trois dimensions, notamment les images holographiques. En 1973, il présenta son premier chronohologramme. Mais il s’en lassa rapidement, les avancées technologiques n’étant pas assez nombreuses.

À défaut d’avoir trouvé un moyen de vaincre la mort, Dalí reçut maintes récompenses et différents honneurs de son vivant. On peut citer la Médaille d’or du mérite des beaux-arts en 1971, la Grande Croix d’Isabelle la Catholique en 1978 ou sa nomination comme membre associé étranger à l’Académie des Beaux-Arts de l’Institut de France, la même année.

Sur le plan personnel, les choses étaient plus délicates et il arrivait à l’âge où la vie commence à vous reprendre ce qu’elle vous a offert. Tout d’abord, Dalí présenta des symptômes de la maladie de Parkinson qui  handicapèrent son processus artistique. De plus, le couple se remettait difficilement d’un virus contracté à l’hiver 1981 lors d’un voyage à New York et leurs relations se dégradaient encore. Mais Gala restait encore et toujours sa vraie muse.

La sensation d’isolement que ressentait Dalí  allait en augmentant lorsqu’en juin 1982, Gala décéda.  Dalí quitta alors Figueras pour rejoindre le château de Púbol, demeure que Gala avait achetée en 1968 et où elle repose. En 1983, « La Queue d’aronde » fut sa dernière création. En 1984, un incendie dont les causes sont encore inconnues à ce jour démarra dans la chambre à coucher de Dalí.

Sauvé des flammes, l’artiste fut tout de même brûlé et son état de santé se  détériora à nouveau. De retour à Figueras malgré lui, Dalí souffrit de plusieurs problèmes cardiaques dans les années qui suivirent et cela, malgré l’implantation d’un stimulateur cardiaque. Fin 1988, Dalí entra à l’hôpital après un nouveau malaise. Il s’éteignit le 23 janvier 1989 à la Torre Galetea de Figueras et fut inhumé dans la crypte de son théâtre-musée, conformément à sa volonté.

 

Anecdotes sur Dalí

  •  Est-ce par pure provocation, par amusement ou stratégie de communication, Dalí présenta sa nouvelle muse, la jeune Amanda Lear, comme un transsexuel. Une rumeur qui la suit toujours.
  • En 1943, Dalí publia sa première autobiographie, qui est un condensé de vrais faux souvenirs, d’anecdotes d’enfance.
  • En 1946, il collabora avec Walt Disney pour le film «Destino», dans lequel personnages et objets réels sont mêlés à des personnages et décors dessinés. Le film ne fut jamais terminé.
  • Dans le même temps, Dalí travailla avec Alfred Hitchcock et dut créer des décors pour le film « la maison du Dr Edwards ».
  • Une rumeur voudrait que l’entourage de Dalí le forçât à signer des toiles vierges afin qu’après sa mort, elles puissent être peintes par d’autres et vendues comme des originaux, nourrissant la suspicion et dévaluant en conséquence les œuvres tardives du maître. Néanmoins, ses œuvres reconnues se vendent plusieurs millions d’euros.
  • Obsédé par la mort, il rechercha une solution pour son immortalité en étudiant l’hibernation.
  • À sa mort, Dalí  légua tous ses biens, droits et créations artistiques à l’État espagnol. C’est la fondation Gala-Salvador Dalí qui en assure la gestion.

 

Après ce personnage “haut en couleur”, la prochaine fiche sera consacrée à Paul Cézanne

 

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