Avertissement : cet article s’adresse à tous les débutants, de 11 à 99 ans. J’aurais pu l’appeler “Comment bien débuter en dessin”, mais j’ai préféré jouer la carte de l’humour (de l’ironie?).

Cher lecteur,

tu as dû le remarquer depuis le temps: J’aime alterner les sujets des articles. En effet, la technique a beau être importante, elle ne le sera jamais plus que la motivation, l’inspiration et le développement personnel. Revenons donc trente ans en arrière, époque où je suçais mon pouce tellement fort que mon palais s’est creusé en l’espace de quelques mois (je ne faisais pas les choses à moitié, même à cette époque).Je me souviens de mes tous premiers dessins de copie, je devais être en primaire. J’ai souvenir aussi d’avoir colorié un clown qui tenait un ballon où était inscrit: « 1986 » en caractères gras. Ce devait être 6 ans après ma naissance. A cette époque, je n’avais aucune idée des obstacles que j’allais surmonter pour apprendre à dessiner. Je veux dire, vraiment apprendre, pas imiter machinalement ce qui me passait sous le nez. C’était une époque plutôt agréable car à cet âge, la peur du jugement est très limitée, voire inexistante.  Cela dit, une chose est sûre, je n’avais aucune prédisposition pour devenir un bon dessinateur et c’était loin d’être gagné pour moi…Mon truc à moi c’était le sport.

C’est aux alentours de mes 8 ans que j’ai dû commencer à bien observer mon frère aîné dessiner. Je n’en croyais pas mes yeux… il savait dessiner en perspective sans même vraiment le savoir. Il recopiait des goldoraks sur les pages de « son carnet secret » (comme il l’appelait si bien) avec tellement de facilité que c’en était vraiment déconcertant, limite indécent pour mes yeux fragiles. Il parvenait même à accentuer la perspective involontairement, ce qui me rendait complètement dingue et envieux, alors que je ne savais pas pourquoi il réussissait aussi bien.

Ce n’est qu’une fois devenu ado que j’ai pris la décision d’atteindre son niveau à tout prix.

J’étais persuadé qu’il avait un don et que jamais je n’allais arriver à sa cheville. Je trouvais ça injuste qu’il soit aussi doué sans même forcer. On peut dire que oui, mon frère avait des prédispositions. D’ailleurs il était doué pour tellement d’autres choses, toujours très cartésien, et moi, toujours très impulsif et impatient. Je m’en rends compte maintenant, mon état émotionnel de l’époque ne me permettait pas de dessiner comme je l’aurais voulu, c’est à dire aussi bien que mon frère. Il était tout simplement plus intelligent, logique et malin.

 

illustration enfant échecs
Mon grand frère me mettait la rouste dans tous les domaines… sauf en sport (c’est parce qu’il y avait moins à réfléchir j’imagine :D )

 

Et cela se voyait aussi dans les notes qu’il avait (toujours dans les premiers de la classe en primaire, voire toujours premier) alors que je parvenais difficilement dans la deuxième meilleure moitié. Je n’étais pas un mauvais élève, j’étais « moyen », avec des notes moyennes. Un élève normal parmi les autres. Je passais souvent inaperçu. Je rêvassais beaucoup, j’étais vite absorbé par les petites choses, comme une fourmi par terre, un nuage en mouvement dans le ciel. Je n’aimais pas spécialement lire, si bien que j’avais tendance à ne regarder que les images des livres et les cases des bandes dessinées. Heureusement j’étais un enfant sensible et intéressé… c’est peut-être ce qui m’a permis de m’en sortir et de toujours évoluer.

Même si mon génie de frère avait beau me tirer vers le haut, ce n’est que vers 15 ou 16 ans que j’ai commencé à prendre conscience qu’un individu comme moi, avec un potentiel normal, devait doubler voire tripler d’efforts pour compenser ce manque de prédisposition. Et chose encore plus terrible, ce voyage que représente l’apprentissage du dessin, j’allais le mener tout seul dans mon coin, sans aucune aide et soutien extérieur (que ce soit moral ou technique): c’est le destin de tout autodidacte. A l’époque, la seule motivation que j’avais, était de dépasser mon frère. Je ne crois pas que cet objectif soit très noble, car il était guidé en partie par la jalousie. C’était encore l’époque où je dessinais à l’instinct. Au final, même si mes dessins étaient loin d’être glorieux ou esthétiques, j’en tirais une certaine satisfaction car ils provenaient de mon esprit timide, de mon cerveau à moi et à moi seul. Il y a avait donc de l’espoir.

C’est à l’âge de 14 ans que je commençais à m’intéresser au dessin manga. Même si le nombre de séries publiées en français restait limité à cette époque, je trouvais mon compte dans des séries comme dragon ball Z, Saint Seya (les chevaliers du zodiaque), Captain Tsubasa (Olive et Tom), Jayce and the Wheeled Warriors (Jayce et les conquérants de la lumière), Ulysse 31, ou City Hunter (Nicky Larson) dont les dessins animés me fascinaient. Jusqu’à l’âge de 20 ans, j’ai toujours préféré les animés au manga papier, car il y avait moins d’efforts à faire pour suivre la série, mais au bout d’un moment les épisodes à rallonge ont eu raison de moi.

 

dragon ball illustration
Bragon Ball et compagnie, toute mon enfance!

 

Je m’inspirais fortement des mangas et je collectionnais tous les albums d’images Paninis (les personnes de ma génération doivent s’en souvenir), bien que je n’eusse pas la moindre idée de comment passer au niveau supérieur dans mes dessins. Comme la copie bête et méchante me gonflait un peu (même à cette époque déjà!), je préférais dessiner d’imagination. Mes dessins étaient bien pourris, et d’ailleurs ils ont certainement tous fini dans une benne à ordures car j’avais honte. C’est tragique d’ailleurs car j’aurais tellement aimé les revoir aujourd’hui, pour bien me rendre compte du chemin parcouru.

 

Jayce illustration
Je rêvais de posséder un anneau qui lance de la lumière sur les monstroplantes moi aussi! comme Jayce quoi!

 

A l’âge de 16 ans et après avoir dessiné plus de 300 planches de bandes dessinées, alors que mes dessins avaient légèrement évolué mais manquaient toujours autant de structure, j’ai senti que j’avais dépassé mon frère. A part que j’ignorais toujours la perspective et les bases essentielles, mon trait était plus confiant, mes dessins sortaient directement de mon cerveau, et par dessus tout j’étais capable de raconter une histoire avec mes dessins. Mon frère s’arrêta alors de dessiner, car il n’était pas du genre à forcer pour dépasser les autres. Il préféra s’adonner à des activités qui lui convenaient mieux comme l’informatique.

Ce n’est qu’à l’âge de 17 ou 18ans que j’ouvris mon premier livre sur l’apprentissage du dessin, « dessin facile » écrit par Burne Hogarth et traduit (horriblement) de l’allemand. Cette suite de livres était devenue malgré moi une référence et ce jusqu’à mes 25 ans. Même si je n’ai jamais vraiment trop apprécié le style de dessin d’Hogarth, je sentais que cet homme avait compris quelque chose que je n’avais pas encore assimilé : je ne pouvais pas mettre le doigt dessus. Cependant il m’était difficile de comprendre quoi que ce soit des notions expliquées dans ce livre. Je me contentais de recopier les dessins. J’ai pu comprendre deux ou trois choses de cette manière, notamment pour le dessin des mains, mais il m’était impossible de les identifier, ce qui représentait un gros handicap pour la suite. J’étais un peu perdu et confus. Je ne savais pas trop par quel bout prendre le problème.

 

burne hogarth anatomie illustration
Le style de dessin de Burne Hogarth me dérangeait à l’époque, mais avec le recul je me rends compte que ce genre d’écorché avait une valeur inestimable pour ceux qui désiraient apprendre l’anatomie (entre autre).

 

C’est aussi à cette époque que je me suis lié d’amitié avec Bruno, qui, à 16 ans, dessinait mieux que moi à 28. Il est alors devenu ma nouvelle référence en la matière et je ne pouvais résister à l’envie de le regarder dessiner en classe. Il était aussi bien capable de dessiner du manga, du « troll de troy » (pour ceux qui connaissent) que de caricaturer tous les profs en quelques traits. De plus, il créait des planches de bandes dessinées style héroïc fantaisie relativement poussées, et tout ça avec un calme incroyable. Pour moi, il allait devenir l’ un des meilleurs auteurs de sa génération.

Son coup de crayon me fascinait. Il savait tout dessiner. A l’âge adulte il entama une carrière d’illustrateur après avoir étudié aux beaux-arts puis dans une des meilleures écoles françaises d’illustration. Après le bac nous nous sommes perdus de vue, car il était relativement solitaire et pas très causant (pour ne pas dire le stéréotype de l’artiste, désolé Bruno si tu me lis :) ). Ce n’est que six ans plus tard que nous nous rencontrions à nouveau… à ton avis cher lecteur, qu’ai-je voulu savoir lors de mes retrouvailles avec mon mentor du lycée? Je voulais évidemment savoir si je l’avais dépassé ! et la réponse est évidemment: NON !Cependant, en observant un de ses dessins je me suis vite rendu compte que son niveau était quasiment le même que dans mes souvenirs. Cela m’avait vraiment surpris. Je m’attendais à mieux, et je l’avais idéalisé tout ce temps, moi qui pensait qu’il allait devenir une rock star de la bande dessinée… il n’en était rien. C’était même le contraire car son métier n’était plus vraiment lié directement au dessin mais plutôt au graphisme. Comme quoi… le talent ne suffit pas.

C’est à l’âge de 25 ans que j’ouvris mon premier livre sur la perspective,  et c’est là que la véritable aventure a commencé pour moi. C’est à ce moment précis de ma vie que j’ai compris pourquoi j’avais stagné toutes ces années… tout ça à cause de cette &é%^*£&@ perspective !

 

D'amelio perspective illustration

 

Je compris alors qu’être un bon dessinateur, ce n’était pas en mettre plein la vue à son entourage en copiant les dessins des autres. Pauvre garçon, j’étais complètement à côté de la plaque… c’est un peu comme avoir passé 25 ans à tenter de sortir d’un labyrinthe, alors que le plan était à disposition depuis le début.

Mais d’ailleurs, qu’est-ce qu’un bon dessinateur? Pour moi, c’est avant tout de savoir réfléchir, savoir aller à l’essentiel, pouvoir simplifier, rester passionné, intéressé et motivé… et par dessus tout se laisser le temps de rêver, d’écrire le monde comme on l’entend et y prendre du plaisir.

 

Quel rapport avec le dessin de manga ?

Vous allez bientôt comprendre où je veux en venir. Cet article est surtout destiné aux plus jeunes d’entre nous, et à tous ceux qui se lancent dans le dessin de manga (car c’est une mode qui persiste depuis que je suis ado).

Je sais que certains lecteurs ou lectrices d’un âge un peu plus avancé pourraient éventuellement se dire que cet article ne leur est pas destiné, pourtant ce dont je vais parler ici s’applique vraiment à tous les apprentis dessinateurs, ou à tous ceux qui veulent progresser sérieusement. Et on progresse en prenant conscience de certains phénomènes, autant internes (réfléchis ou inconscients), qu’externes (davantage liés à l’environnement et aux stimuli extérieurs).

Le manga reste à mes yeux l’un des meilleurs exemples de la poudre aux yeux qu’on s’envoie joyeusement quand on débute. La première fois que j’ai ouvert un manga, je me suis dit : « waouh, ça a l’air trop facile! Je veux faire pareil»…Oui mais…

Le manga est le style graphique typique qui nous laisse croire que le dessin est une activité facile. Même s’il est vrai que ça devient de plus en plus facile avec la pratique (je dirais même instinctif passé un certain niveau).Mais en tant que débutant, autant voir la réalité en face, le manga n’est pas la pilule qui nous sauve. Au contraire, c’est souvent celle qui fait descendre aux enfers les jeunes dessinateurs sans passer par la case départ.

Heureusement cela arrive moins aux personnes d’un âge plus mûr qu’aux adolescents. Je n’apprends rien à personne quand j’affirme que la plupart des adolescents sont très impulsifs, impatients et ne parviennent pas à canaliser leurs émotions. Ces phénomènes internes s’estompent nettement avec le temps et encore plus si l’on prend la peine de travailler sur soi, fort heureusement. J’en suis l’exemple vivant.

Pourquoi le dessin manga s’avère être une illusion ?

J’aurais pu choisir d’autres exemples que le dessin manga. Au même titre, les toiles de John Singer Sargent ou d’autres maîtres prodigieux du genre, pourraient provoquer exactement le même effet sur les peintres qui débutent. Je pense sincèrement que la plus grande force des maîtres-peintres, n’est pas le choix de la palette, la gestion de la lumière, ou le maniement du pinceau. Je dirais plutôt que c’est leur capacité à simplifier et embellir ce qu’ils voient qui les rend si uniques. Ils sont capables de reformuler visuellement le monde à leur manière. La simplification graphique est l’ingrédient qui donne cette illusion de facilité aussi bien en peinture qu’en dessin. Le manga illustre parfaitement les apparences trompeuses des styles graphiques épurés.

 

alla prima illustration

 

Je lisais l’autre jour l’excellent livre “Alla Prima” écrit par Richard Schmid, peintre talentueux qui explique au travers de ses écrits tous les déboires qu’il a pu rencontrer avec la peinture à l’huile au cours de son existence. Il explique non seulement les contraintes dues à ce médium particulier, mais aussi comment les choix se font dans sa tête, et comment il a trouvé ses propres solutions au problème. Ni plus ni moins. Ce que j’apprécie le plus, c’est la transparence, l’honnêteté et l’humilité avec lesquelles il raconte son histoire. Ce n’est pas nécessairement ses petits trucs et astuces pour aider à percevoir mieux les températures des couleurs, pour maîtriser les mélanges de pigments ou pour faire vibrer la toile, qui m’ont le plus aidé. C’est plutôt la façon dont il met le doigt sur des problèmes qui ne relèvent pas du domaine technique, sinon je ne l’aurais pas trouvé aussi passionnant. La meilleure leçon que j’ai pu tirer de ce livre est que les règles ne sont là que pour encadrer et rassurer, que la pratique et l’observation sont essentielles, et qu’il est impératif de réfléchir et de faire des choix si l’on veut vraiment progresser. Cela ne nous empêche pas pour autant de rester inspiré par nos artistes préférés (sans parler de Dame Nature qui est la source de toute inspiration, mais dois-je vraiment le préciser?).Il me rejoint aussi sur le fait qu’il est important de prendre le meilleur de chacun pour forger son propre style.

Pour en revenir au dessin manga (terme que j’utilise davantage pour représenter un style graphique particulier qu’un format de bande dessinée: navré pour les puristes qui me lisent ;) ), c’est cette impression de facilité qui trompe le dessinateur débutant. Pourtant, derrière cette capacité à simplifier se cachent des heures et des heures de travail, de tests et de réflexion. Comme vous devez le savoir, même si vous n’aimez pas particulièrement le manga, les auteurs asiatiques qui les produisent sont les plus prolifiques au monde, et je n’exagère pas quand je dis ça. Aux yeux des occidentaux, le style de vie des mangakas peut paraître particulièrement extrême, car ils vont jusqu’à oublier leur propre existence et mettent dans leurs créations tout ce qu’ils ont dans le ventre (je parle particulièrement de l’école japonaise et coréenne).

Je me souviens même avoir lu que Masashi Kishimoto, l’auteur de Naruto, racontait n’avoir plus aucun temps pour aller se couper les cheveux (!!!), et que sa mère s’inquiétait pour lui et le faisait redescendre sur terre à chaque fois qu’ils se parlaient au téléphone (merci maman !).

 

fanart Sandfreak illustration
Fanart de Naruto par Sandfreak

 

Sans vouloir tomber dans les extrêmes, il s’avère malgré tout important de garder en tête que l’action de simplifier est bien moins évidente que l’action de complexifier. La raison en est que la simplification nécessite des choix, chose que le débutant est bien incapable de faire. La preuve, c’est que le dessinateur néophyte dessine les détails en premier en ignorant la construction globale du dessin. Ce comportement ne peut être source que d’échec à long terme: une perte de temps dont je me serais bien passé.

 

Pourquoi j’apprécie les mangas

et pourquoi je n’en ai pas honte

Ce que j’apprécie vraiment avec ma génération, c’est que j’ai l’impression qu’elle a été mise au monde à une période-clé. J’imagine que mes parents ont également ressenti ça à mon âge, et mes grands-parents avant eux… Pour moi, chaque génération a marqué une période de l’évolution humaine (enfin, chacun est libre de penser ce qu’il veut évidemment, c’est ce que je crois en tout cas).

Ceux qui ont passé la vingtaine en l’an 2000 ont peut-être pu le ressentir aussi : nous avons non seulement eu l’opportunité d’observer l’évolution humaine à son plein potentiel de communication (avec l’outil internet), mais nous avons aussi été spectateurs d’avancées technologiques prodigieuses. Nous avons également été sensibilisés à des mondes imaginaires interactifs dès notre plus jeune âge (les jeux-vidéos), ce qui nous a déconnectés un peu de la réalité, mais certainement moins que nos benjamins qui n’ont pas connu les consoles de jeux vidéos 8 bits et qui ont été directement immergés dans des mondes virtuels très poussés graphiquement. Ce qui fait des personnes de mon âge, des individus bien plus sensibles à ces nouveaux outils de communication par rapport à nos aïeux ou nos benjamins, car nous avons évolué en même temps qu’eux. Encore une fois, ce ressenti ne tient qu’à moi, je pense qu’il est toujours plus facile pour un individu d’être empathique par rapport au monde qu’il a connu et avec lequel il a grandi, et par conséquent de se montrer moins impartial que les anciens, tout en restant plus objectif que les plus jeunes.

Je ne dis pas que l’internet et les jeux-vidéos sont des outils idéaux, ou sont indispensables dans le développement intellectuel et l’équilibre mental d’un humain (pas avec l’utilisation qu’on en fait aujourd’hui en tout cas!).Je pense qu’on est encore en phase de réglage de ces outils, aussi uniques, prenants et fascinants soient-ils.

 

Illustration jeux vidéo
“Pourquoi mettre de si bonnes technologies au service de la science et de la médecine”. Certains n’hésitent pas à faire du sarcasme… ^^

 

Pour en revenir au dessin manga, l’internet a été générateur de découvertes, et nombreux sont les jeunes qui ont pu s’évader dans ces séries dessinées. Si vous êtes parents, peut-être que votre enfant a une tendance addictive au manga, mais je pense qu’il s’agit juste là d’un moyen de s’évader comme un autre, tout comme le jeu-vidéo. Au même titre que le manga, les addictions au sucre, au chocolat, ou à la nourriture en général sont aussi des refuges et des moyens de se réconforter face à nos déboires quotidiens, ou à une vie que l’on n’a pas forcément choisie. Le dessin représente une échappatoire parmi d’autres et le dessin de manga en fait partie. Comme toutes tendances addictives, il va sans dire qu’elles doivent être canalisées et cadrées afin de ne pas nuire à la santé. Mais pour moi, toutes les activités créatives devraient être encouragées, car elles sont actives. Le dessin en est un bon exemple (pour les jeux-vidéos, je pense que c’est un autre débat).

Par expérience, je sais que les personnes qui sont nées avant 1970 sont en général bien moins sensibles à l’art du manga, qui peut sembler bien puéril à première vue. Pourtant, il n’en est rien. Comme toute lecture, le manga peut aussi bien transporter que pousser à la découverte de soi, tout comme les comics américains. Les scénarios de certains mangas sont d’ailleurs tellement poussés qu’il est parfois difficile de les suivre sans relire les tomes précédents. Ceux qui jugent le manga à la légère n’ont bien souvent pas pris le temps de découvrir ces ouvrages.

Derrière le style graphique parfois naïf du manga, se cachent des heures de réflexion et d’étude sociologique. Bien sûr, certains préfèreront des lectures sans images, ce que je peux amplement comprendre, car le pouvoir de la suggestion règne en maître sur le cerveau humain. Attribuer une identité graphique à une histoire ôte en partie la liberté du lecteur.

 

Pourquoi je ne recommande pas le dessin manga (ou tout autre style simplifié du genre) à un apprenti dessinateur?

Aussi entêté que puisse paraître le jeune dessinateur, je me dois de le prévenir sur le risque qu’il encourt s’il attache trop d’importance à un style graphique aussi simplifié que le dessin manga. Recopier une case de manga, c’est comme dupliquer une idée qui ne nous appartient pas et la recracher par terre comme un vulgaire chewing-gum. Non seulement ce n’est pas constructif, mais c’est aussi une perte de temps: temps que le débutant aurait pu passer à observer la nature pour comprendre la perspective d’objets simples, la lumière, le rendu des volumes et s’en faire sa propre opinion, sa propre interprétation.

Si je pouvais revenir en arrière, je tâcherais d’ouvrir mon premier livre sur les bases du dessin bien avant mes 25 ans.

 

Les 10 commandements

du dessinateur débutant

Le dessin de manga était ma façon de rebondir et d’établir certains points essentiels que je souhaitais partager avec les débutants:

  • ·      Ne commence pas par dessiner du manga ou tout autre style simpliste ou minimaliste. Je sais que c’est tentant, mais préfère apprendre en observant la nature. Prends le temps de constituer ta propre interprétation graphique du réel plutôt que de copier celle de quelqu’un d’autre. Ce n’est pas la qualité du trait qui fait un bon dessinateur, c’est sa compréhension des formes dans l’espace. Un individu peut très bien avoir confiance en son trait et être un piètre dessinateur.
  • ·      Si tu es amené à copier quelque chose, comprends bien chaque trait que tu poses sur le papier. Chaque mouvement de ton crayon doit avoir un but. Si tu reproduis un dessin, tâche de te fixer des objectifs  (ex : accentuer la perspective d’un objet, dessiner un visage stylisé en prenant le temps de bien le construire). Essaie d’aller à l’essentiel et de toujours simplifier la construction.    Une mer de détails ne rattrapera jamais un dessin mal construit.
  • ·     La perspective s’applique à tous les objets, simples ou complexes, vivants ou non. Si tu comprends et maîtrise la perspective, toutes les portes te seront ouvertes. Un dessinateur peut passer toute sa vie à ignorer la perspective et à stagner sans en comprendre les raisons. J’ai ignoré l’existence de la perspective les 25 premières années de ma vie: je parle donc en connaissance de cause. Les mangakas sont des maîtres de la perspective et peuvent la déformer à volonté pour donner plus d’impact à leurs images et à leurs histoires. La perspective est un passage obligé pour le débutant qui souhaite devenir bon. Il est possible de la maîtriser en seulement quelques semaines si on travaille régulièrement. Il suffit de lui donner un peu d’attention une bonne fois pour toutes et de pratiquer avec des formes simples.
  • ·      La pratique doit toujours être une finalité. Si tu viens d’apprendre quelque chose de théorique, n’attends pas pour passer à la pratique. Si tu surcharges ton esprit de théorie sans jamais pratiquer, tu ne retiendras jamais rien et dans quelques semaines tu auras tout oublié. Il n’y a rien de plus décourageant que de travailler dans le vide sans voir de résultats.

 

moise dix commandements illustration

 

  • ·      Prends ton temps. Rien ne presse. Respire un bon coup sur ta table. Prends du plaisir à passer ton crayon sur ta feuille. Ce n’est pas parce que tu fais 10 dessins par jour que tu progresseras. Tu iras beaucoup plus vite en réfléchissant 10 fois plus et en évitant les traits inutiles.
  • ·      30 minutes de dessin par jour sont suffisantes pour apprendre progressivement les bases du dessin sans surcharger son cerveau. Ne dessine pas 7 heures dans la même journée. Préfère plutôt dessiner 1 heure par jour, chaque jour. La régularité paye bien plus que les actes ponctuels et excessifs.
  • ·      Ne te préoccupe pas du jugement des autres. Si tu as peur qu’on se moque de toi, dis-toi bien que les autres ne feraient pas mieux. Les moqueries ont pour but unique de te décourager: ceux qui se moquent n’ont jamais eu le courage de se mettre au dessin, et sans même le savoir ce sont des faibles. Bien souvent, les critiques gratuites et non constructives partent d’émotions négatives comme l’envie et la jalousie. N’en veut pas trop à ces gens qui se moquent: ce sont eux les plus malheureux. Peut-être qu’un jour ils comprendront par eux-mêmes que c’est leur propre frustration qui les fait agir de la sorte, mais en attendant concentre-toi sur tes envies et sur tes rêves.
  • ·      En choisissant de dessiner, ne t’attends pas à obtenir le soutien des autres. La majorité des individus qui constituent notre société ne sont passionnés par rien car ils se sont laissés endormir et formatés par leur vie routinière, où les seules portes de sortie sont les voyages et certains loisirs passifs comme la télévision. Même si tu ne trouves pas ta vie passionnante, rappelle-toi toujours que tu as le dessin. Tu as le pouvoir de t’évader quand tu le veux, et c’est rare ! Le dessin te permettra de prendre le temps de vivre et de rêver, et de t’exprimer au-delà des mots. Il n’existe pas de plus grand pouvoir sur terre. Souviens-toi de ça.
  • ·      Respecte ce que tu produis car ce que tu fais est ce que tu es, sans te prendre trop au sérieux. Quel que soit ton niveau, c’est en soignant tes créations et en te donnant des objectifs que tu pourras progresser. Ecoute les autres aussi et respecte la critique, surtout lorsqu’elle est constructive. Si quelqu’un prend le temps de te faire une remarque pertinente, fais-lui honneur en améliorant ton prochain dessin.
  • ·      Ce n’est qu’une fois les bases du dessin acquises, que tu pourras te permettre de t’essayer davantage à déformer, à interpréter et à affiner ton style. Tu ne cesseras jamais d’apprendre. Même si un jour tu deviens un dessinateur accompli, il est fort probable que tu ne sois jamais vraiment satisfait de tes productions. Vois-le comme une bénédiction car c’est ce qui te fait avancer le plus.

 

Apprendre les bases du dessin

Mais au final, qu’est-ce que les bases du dessin? Voilà une excellente question.

Si vous débutez ou que vous souhaitez repartir sur de bonnes bases après plusieurs années de stagnation, concentrez-vous sur les points suivants :

  1. ·    La perspective : faire joujou avec des logiciels gratuits comme google sketchup tout en apprenant la perspective peut s’avérer extrêmement utile. J’ai commencé à toucher la 3D quand j’avais 22 ans. Tout comme la sculpture, la modélisation 3D est une activité très complémentaire du dessin. Elle permet de bien s’orienter dans l’espace et de comprendre les déformations qu’engendre la perspective. Rien ne sert de modéliser des formes complexes au début: les formes primaires comme le cube, le cylindre, le cône et la sphère suffisent amplement pour commencer. Une fois les formes simples maîtrisées, tout devient possible comme le dessin d’objets complexes ou organiques.
  2. ·     Le dessin d’observation : Entraîner son œil à observer doit devenir une tâche régulière et continue, même sans crayon à la main. Plutôt que de copier bêtement, il est nécessaire de réfléchir à la simplification des formes dans l’espace, bien se concentrer sur les raccourcis (les « T »), aiguiser son œil pour reconnaître les contours des formes en deux dimensions, apprendre à évaluer les proportions en se donnant des repères visuels, s’exercer à percevoir et simplifier les valeurs pour représenter les volumes.
  3. ·     Le Développement personnel: voici quelques points à travailler sur soi-même et qui posent souvent problème chez les apprentis dessinateurs :

o   La patience : mieux vaut produire un seul croquis bien construit que 10 dessins d’observation faits dans la hâte sans concentration. Prendre son temps sur un dessin unique refait plusieurs fois si nécessaire en apprend bien plus long que n’importe quel autre exercice.

o   La concentration: mieux vaut se concentrer une bonne heure sur sa table, que de dessiner trois heures en rêvassant à droite et à gauche, ou en se faisant parasiter par des nuisances externes (télévision, internet, mobile, tâches ménagères, entourage…)

o   L’impulsivité du trait : réfléchir sur chaque trait permet d’aller à l’essentiel et de soigner l’esthétisme de son dessin, plutôt que de repasser 10 fois sur le même trait et de prendre le risque de ne plus visualiser correctement la suite des évènements.   Chaque étape du dessin doit être soignée: ne laissez pas votre angoisse faire de vous son pantin. Fermez les yeux, respirez un bon coup par le ventre, et re-focalisez votre attention sur l’essentiel.

o   L’obsession de l’outil et de la technique: un simple crayon HB et une gomme sont les meilleurs outils pour commencer. Laissez les effets complexes aux experts ou à ceux qui veulent aller plus vite que la musique. Sauter les étapes est une terrible erreur en dessin et mène irrémédiablement à l’échec et à l’abandon.

o   La gestion du temps: même avec un emploi du temps de ministre et trois enfants en bas-âge qui braillent à la maison, il existe toujours un créneau pour dessiner. Ce n’est qu’une histoire de priorité et de motivation. Le plus difficile est toujours de se décider à se mettre à l’ouvrage. Il faut bien se dire que toutes ces personnes qui vous inspirent ne procrastinent pas. Nous n’avons qu’une vie et le plus difficile est de dépasser sa peur de l’échec, pas d’apprendre la perspective! Pourquoi ne pas se laisser la chance de faire quelque chose de constructif plutôt que de télécharger des séries, de jouer aux jeux-vidéos, de toujours se donner des excuses pour rester passif face à sa vie. C’est en faisant qu’on prend goût aux choses. La passion vient en expérimentant, en s’ouvrant au monde, et certainement pas en se confinant dans sa petite vie remplie d’excuses. Il faut simplement décider de ce que l’on veut être et passer à l’acte. Se lamenter sur sa vie n’a jamais aidé personne à avancer et à se créer des opportunités pour réussir. Se responsabiliser sur sa vie constitue la première étape pour se réveiller, évoluer et se dépasser.

o   La motivation: rester inspiré, s’entourer de personnes passionnées, se donner des objectifs à court et moyen termes. Il y aura toujours des hauts et des bas. Une bonne nuit de sommeil, un repas équilibré et un peu de sport remettent bien souvent les idées en place, afin de conserver sa santé et sa bonne humeur tout en restant concentré sur ses objectifs. Bien qu’il faille se forcer à certains moments, le dessin doit rester source de plaisir avant tout. Il est préférable de s’aérer et de se changer les idées lorsque l’humeur n’est pas au rendez-vous. Laissez-vous des moments de réelle détente.

o   Le jugement des autres: Dessiner comme un enfant et alors? ceux qui ne font rien de leur vie et qui ne tentent rien pour l’améliorer sont ceux qui critiquent gratuitement. La critique négative représente leur bouclier contre l’échec, et ces individus préfèrent agresser les autres plutôt que de prendre le risque d’échouer. C’est la succession de petits échecs et de petites réussites qui fait avancer. Ni plus ni moins. Autant se préparer psychologiquement.

 

ouvert esprit illustration

 

Conclusion

Ami internaute, tu l’auras compris, l’apprentissage du dessin est un voyage unique. Même si le dessin n’est pas la plus simple des disciplines, cette activité te permettra de devenir quelqu’un de meilleur, plus patient, plus attentif aux petites choses, plus sensible. Il te permettra de partager une activité avec d’autres personnes passionnantes, de percevoir la vie d’une autre manière, de faire évoluer ton état d’esprit en même temps que tes croquis.

Les dessinateurs étant plutôt renfermés sur eux-mêmes la plupart du temps, n’attends pas qu’ils viennent vers toi : prends ton courage à deux mains et va leur parler, même à ceux qui te paraissent distants et inaccessibles, c’est souvent la marque des grands timides! Mettre sa timidité de côté paye toujours à un moment ou à un autre. L’ouverture d’esprit est le moyen le plus sûr pour évoluer et s’entourer de personnes passionnées et passionnantes.

 

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Allez plus loin avec ma formation complète sur les bases du dessin:

Fini de copier bêtement les dessins des autres ou des photos trouvées sur internet! Apprenez les véritables bases du dessin à votre rythme, en partant d’un niveau zéro. Si vous pensiez que le dessin n’était pas fait pour vous, alors vous allez être surpris! ;o)