Salut les artistes en herbe, 

Parmi les nombreuses questions que vous me posez, il en est une qui revient très fréquemment : comment fixer le prix d’une œuvre que l’on vient de créer ?

Vendre ses illustrations

 

Statuts

Pour vendre une œuvre, il convient déjà de revenir sur le statut d’artiste, amateur ou professionnel. Rappelez-vous, nous avions rédigé l’article “comment vendre des oeuvres en ligne”  évoquant notamment le sujet. 

En France, un artiste amateur est une personne qui :

  • apprécie, recherche une forme d’art et en possède une certaine connaissance.
  • pratique en loisir, hors de son cadre professionnel.
  • réalise des œuvres sans en tirer un quelconque profit.

 

Vous l’aurez compris, dès lors qu’un artiste vend l’une de ses œuvres, il n’est plus «amateur». Donc, avant même de fixer un prix, il faut passer par la case administrative et respecter différentes démarches et procédures indispensables : 

  • Si l’artiste-auteur déclare au fisc ses revenus en traitements et salaires, ses clients établissent alors une déclaration trimestrielle auprès de l’Urssaf et règlent leurs contributions et cotisations précomptées pour l’auteur. L’artiste est ensuite invité en fin d’année, à se connecter sur le site www.artistes-auteurs.urssaf.fr pour se créer un compte en ligne. Il  devra en avril de l’année suivante, valider ou corriger les données pré-renseignées de sa déclaration. 
  • Si l’artiste-auteur déclare fiscalement ses revenus en bénéfices non commerciaux (BNC), il doit s’inscrire sur le site de l’Urssaf / CFE afin d’obtenir un n° Siret et un code APE qu’il devra indiquer sur ses factures (9003 A pour les arts graphiques et plastiques et  9003 B pour les autres branches d’activité). Encore une fois, en fin d’année, l’artiste pourra se rendre sur le site www.artistes-auteurs.urssaf.fr pour moduler ses acomptes provisionnels. Puis en avril de l’année suivante, il déclarera ses revenus de l’année N-1 et ses deux derniers trimestres seront ajustés en fonction du montant de ses revenus déclarés. 

 

Mais arrêtons-nous là concernant l’administratif afin de ne pas nous répéter; nous avions déjà expliqué cela dans l’article cité plus haut.

 

Critères à prendre en compte

Autant le dire tout de suite, il n’existe pas une seule méthode pour fixer ses prix. Il faut partir sur différents critères afin de  créer sa propre grille. 

Voici donc quelques exemples sans distinction, concernant le type d’œuvres (peinture sur toile, dessin sur papier …) :

Le coût de fabrication peut constituer l’un des premiers critères pour fixer ses prix: Châssis, encadrement, peinture, vernis … Une œuvre d’art ne peut être vendue à un prix inférieur au coût de la matière première. Sauf si vous aimez travailler à perte.

La question du temps passé sur une œuvre revient aussi. Il n’est pas forcément judicieux de le prendre en compte. Au début, un artiste va prendre du temps sur une œuvre, puis avec l’expérience, il va aller plus vite. Sans compter qu’une œuvre abstraite réalisée rapidement peut se vendre bien plus cher qu’une œuvre hautement réaliste. Le prix, c’est aussi l’acheteur qui le fait. L’art se doit de toucher les sensibilités et la puissance émotionnelle d’une œuvre est difficilement discutable puisqu’elle varie d’une personne à une autre. Mais le temps passé sur une œuvre est à prendre en compte dans certains cas. Nous y reviendrons.

Et puisque nous évoquions l’expérience, les prix d’un artiste débutant sont inférieurs à ceux d’un artiste confirmé et/ou qui jouit d’une certaine notoriété (Galerie d’art, expositions ). Le cursus peut aussi entrer en ligne de compte, qu’il soit scolaire (diplômes …) ou professionnel (récompenses artistiques, collaboration …).

Parlons aussi du format. Généralement, à technique égale, une petite œuvre se vendra moins cher qu’une grande. Ainsi donc, les tarifs augmentent progressivement en fonction de la taille. Pour les peintures et les dessins, il est possible d’appliquer un calcul au point.

 

tableau prix œuvre

 

Les formats des œuvres correspondent à un numéro (=le point) qu’il faut multiplier par une valeur fixe, la cote de l’artiste. Par exemple, un châssis 41×33 cm correspond à un numéro 6. Avec une cote de 20 euros le point pour un débutant et pour une toile, cela donne 120 euros (6 points x 20 euros le point de cote). Pour un artiste plus expérimenté, disons 60 euros le point, on obtient alors 360 euros. Cela reste une valeur approximative car il faut encore ajuster le prix en fonction de la technique, du sujet et de la renommée de l’artiste. 

Ne faisant pas l’unanimité, cette méthode pose un autre problème : elle a tendance à dévaluer les formats plus petits. Il est alors possible d’établir une cote différente, selon le format. Certains optent pour les dimensions réelles. Il faut alors additionner la hauteur et la largeur de l’œuvre pour obtenir la dimension linéaire, puis on multiplie le résultat par une valeur fixe.

Il faut aussi tenir compte de la technique utilisée par l’artiste. En termes de tarifs, il existe une hiérarchie des techniques. Pour un même format, les peintures à l’huile sur toile sont celles qui se vendront le plus cher. Inversement les dessins au crayon graphite ou au fusain sur papier, seront les moins chers. Pour être plus précis, les peintures à l’ huile ont la plus grosse cote de prix, suivies ensuite par l’acrylique et les œuvres sur papier (aquarelle, pastel, fusain, crayons de couleur, graphite). De même qu’une peinture se vend plus cher qu’un croquis sur papier. Une œuvre sous verre est souvent meilleur marché qu’une œuvre sur toile. Et bien évidemment, un multiple coûte moins cher qu’une œuvre unique.

Il convient également de s’intéresser aux tarifs pratiqués par des artistes de même niveau, aux parcours similaires et pratiquant les mêmes techniques. Cela donne une indication sur les prix du marché.

 

question

 

Mais pour les illustrations ?

Tout d’abord, il faut connaître quelques données de base afin d’avoir des repères. La première concerne le montant du SMIC. Depuis le 1er janvier 2019, le taux horaire brut du SMIC est de 10,03 euros (contre 9,88 en 2018). Cela représente un salaire annuel brut de 18.254,64 euros ou un SMIC mensuel brut de 1.521,22 euros,  pour 151,67 heures de travail mensuel et 35 heures de travail hebdomadaire (chiffres de l’INSEE).

En net, cela nous donne du 7,72 € de l’heure et 1 171,34 € par mois.

Il convient aussi de connaître le seuil de pauvreté. En France, un individu est considéré comme pauvre quand ses revenus mensuels sont inférieurs à 867 euros ou à 1 041 euros, selon que l’on utilise le seuil à 50 % ou 60 % du niveau de vie médian.

Fixer le bon tarif évite de travailler pour rien, de se fatiguer inutilement et de faire baisser (inutilement) les prix du marché. Si tout le monde devait baisser ses tarifs arbitrairement, tous finiraient pas travailler pour des clopinettes. 

Donc lorsqu’on vise un certain niveau de revenus (hors impôts éventuels), il faut rajouter ses charges, toutes ses charges (loyer/crédit, impôts divers, frais de déplacement, alimentation, électricité, abonnements internet et téléphonique, alimentation, épargnes diverses …). Selon l’endroit où vous vivez en France, ce total peut être très variable. Un Parisien et un Stéphanois n’ont pas les mêmes dépenses, en matière de loyer par exemple.

Prenons un total de charges (totalement arbitraire) de 1500 euros. Il ne convient pas de diviser ce montant par le nombre de jours du mois. D’une car on ne travaille pas 30 jours dans un mois, même un indépendant (ou du moins pas sur le long terme, au risque d’exploser). Et de deux, cela ne vous donnera qu’un chiffre d’affaires à réaliser par jour pour compenser les charges mensuelles; mais sans marge.

 

fixer ses tarifs illustration

 

Disons plutôt que l’on travaille 10 jours dans le mois (production pure), le reste du temps étant consacré à la recherche de clients, à l’administration et à un peu de repos quand même. En divisant vos charges par votre nombre de jours de travail (1500/10=150), vous obtiendrez votre prix de revient à la journée. Mais ce n’est pas pour autant ce que vous allez facturer. Là aussi, vous ne générez pas de marge. Il faut aussi prendre en compte la rapidité de production, le style et les impondérables liés aux clients.

En réalité, le tarif journalier nécessaire pour avoir assez de marge est de 300 euros environ en France. Cela reste une approximation à cause des éléments variables que l’on évoquait juste un peu plus haut. Mais en 2019, cela semble être un minimum. La fourchette de tarifs s’étale en moyenne de 150 à 350 euros. Pouvant produire sur un format papier ou numérique, les illustrateurs professionnels ont également un champ d’action assez large : publicité, médias, édition… . Cela peut aussi expliquer les différences de tarif.

Avoir le tarif le plus bas ne vous aidera pas plus. Peut-être que vous allez attirer plus de clients mais vous allez aussi devoir travailler beaucoup plus pour vous sortir un salaire. Et beaucoup d’indépendants (du milieu artistique ou non) peuvent en témoigner, on n’attire pas forcément des clients très intéressants lorsqu’on pratique des tarifs très bas. De plus, il est fort probable que cela soit du one shot plutôt qu’un client régulier.